Le 1er décembre 1944, le camp militaire de Thiaroye, près de Dakar, fut le théâtre d’un événement sanglant, désormais gravé dans l’histoire comme le Massacre de Thiaroye. Ce drame met en lumière l’inégalité de traitement et la violence répressive du pouvoir colonial français à l’encontre de ses propres soldats africains.
Des Héros Oubliés, des Droits Bafoués
Les victimes étaient principalement des Tirailleurs sénégalais (soldats d’Afrique subsaharienne francophone) récemment rapatriés après avoir été faits prisonniers par les forces allemandes durant la Seconde Guerre mondiale. Rassemblement en attente de démobilisation, ces hommes réclamaient le paiement de leurs soldes, pécules et arriérés de captivité. La protestation est née d’un sentiment d’injustice flagrant : non seulement les tirailleurs étaient payés à des taux nettement inférieurs à ceux des soldats français, mais ils craignaient de surcroît de ne jamais percevoir les sommes promises une fois dispersés dans leurs villages d’origine.
La Répression du 1er Décembre
Face à ce qui fut interprété comme une “mutinerie” par les autorités coloniales françaises, la répression fut immédiate et brutale. Le matin du 1er décembre 1944, les forces d’intervention coloniales ont ouvert le feu sur les tirailleurs, utilisant notamment des automitrailleuses. Le bilan officiel français de l’époque faisait état de 35 morts. Néanmoins, les travaux historiques s’accordent aujourd’hui sur un nombre de victimes nettement supérieur, s’élevant potentiellement à plusieurs centaines, faisant de cet épisode un massacre délibéré.
Une Mémoire Longtemps Censurée
Suite à la tuerie, une trentaine de survivants furent jugés en 1945 et lourdement condamnés pour “rébellion”, avant d’être amnistiés ultérieurement. Pendant des décennies, l’évènement fut occulté et minimisé par la France, qui le réduisait à un simple incident disciplinaire. Le film “Camp de Thiaroye” (1988) de Sembène Ousmane, qui visait à documenter le drame, fut d’ailleurs frappé de censure en France.
Une Reconnaissance Tardive
Le Massacre de Thiaroye est devenu un puissant symbole de la dette non honorée de la France envers ceux qui ont combattu pour elle. Ce n’est qu’en 2014 que le président François Hollande a officiellement reconnu la responsabilité des troupes françaises. Plus récemment, le président Emmanuel Macron a également qualifié les actes d’alors de “massacre”, réaffirmant la nécessité de vérité sur cet épisode tragique. Les revendications pour la pleine reconnaissance et la localisation des fosses communes, où les corps des victimes furent jetés, demeurent une question centrale pour les familles et le Sénégal.
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