L’un des anciens hommes de main les plus redoutés du régime de Yahya Jammeh n’est plus en cavale. Sanna Manjang, membre influent des tristement célèbres Junglers, a été remis, hier, aux autorités gambiennes, à la suite d’une opération conjointe menée par les armées sénégalaise et gambienne. Une capture qui met fin à plusieurs années de fuite, d’errance et d’impunité.
Un homme traqué depuis la chute de Jammeh
Depuis sa disparition dans la nature après la défaite de Yahya Jammeh, en 2016, Manjang était l’une des figures les plus recherchées d’Afrique de l’Ouest. Les services de sécurité le considèrent comme un acteur central du système répressif mis en place par l’ancien président gambien : exécutions extrajudiciaires,
disparitions forcées, tortures, opérations clandestines à la frontière sénégalo-gambienne….
Son nom figure dans de nombreux témoignages accablants recueillis par la Commission vérité, réconciliation et réparations (TRRC) en Gambie.
Le massacre des 44 migrants : un crime qui hante l’Afrique de l’Ouest
Manjang est, particulièrement, impliqué dans l’épisode macabre de 44 migrants clandestins, originaires, pour la plupart du Sénégal et du Ghana, capturés, puis, exécutés, en 2005, par les Junglers. Un seul survivant ghanéen avait réussi à fuir, donnant un témoignage glaçant, encore visible sur les réseaux sociaux.
Les révélations de Bai Lowe, chauffeur du commando (aujourd’hui détenu en Allemagne) avaient confirmé l’impensable : “les migrants auraient été exécutés en territoire sénégalais, dans le village frontalier de Yunor, en Casamance, avant que leurs corps ne soient jetés dans un puits”.
Ces déclarations, faites au journaliste gambien Pape Nderry Mbai, avaient levé un coin du voile sur l’un des plus grands crimes transfrontaliers de l’ère Jammeh.
Assassinat du journaliste Daïda Haïdara : un autre crime imputé aux Junglers
Dans le même entretien, Bai Lowe avait détaillé le rôle des Junglers dans l’assassinat, en 2004, du journaliste gambien Deyda Hydara, cofondateur du journal The Point.
Un meurtre politique, soigneusement, planifié, qui avait choqué la communauté médiatique internationale.
Une coopération sécuritaire renforcée avec le Sénégal
La capture de Manjang témoigne de l’efficacité de la coopération militaire entre Dakar et Banjul. Les deux pays, liés par une géographie sensible et par l’enjeu de la stabilité, en Casamance, n’ont cessé de renforcer leurs opérations conjointes.
L’arrestation d’un fugitif aussi dangereux représente : une victoire diplomatique pour la Gambie, un signal fort envoyé aux survivants et aux familles des victimes,
un avertissement à tout acteur impliqué dans les crimes du régime Jammeh.
Vers un procès qui pourrait faire trembler Banjul ?
Le retour de Manjang en Gambie ouvre la voie à un procès historique, susceptible de révéler d’autres zones d’ombre du régime Jammeh. Mais, il expose, également, les autorités actuelles à une équation politique délicate : comment juger un acteur clé sans remuer les alliances et complicités encore présentes dans l’appareil sécuritaire ?
Pour les familles des victimes des 44 migrants, de Deyda Hydara et de nombreuses autres disparitions, l’espoir d’un début de justice renaît.
Pour Manjang, c’est la fin d’une longue cavale.
Pour la Gambie, c’est, peut-être, le début d’une vérité longtemps étouffée.
BBF
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