​Littoral dakarois : des gravats pour survivre, une côte en sursis 

  De Yoff à Guédiawaye, le littoral dakarois se transforme peu à peu en un champ de gravats. Déversés tantôt pour freiner l’avancée de la mer, tantôt comme un moyen de s’en débarrasser, ces débris issus des chantiers de construction suscitent de vives inquiétudes environnementales.. Un combat quotidien contre l’érosion. À moins de 100 mètres de la mer, Ndiatté Guèye, sexagénaire Lébou, observe avec appréhension les vagues qui grignotent inexorablement la terre. Son domicile, modeste et dépourvu de peinture, est menacé. « La mer avance dangereusement, et personne ne nous vient en aide. Alors, avec mes enfants, nous avons érigé des tas de gravats devant la maison pour tenter de nous protéger », confie-t-il d’une voix lasse, le regard perdu vers l’horizon. Père de 13 enfants nés de trois épouses, il ne dort plus que d’un œil, redoutant chaque nuit que les flots n’engloutissent son foyer.. Le phénomène est visible sur toute la bande côtière, notamment à Guédiawaye, où la célèbre ceinture de filaos se voit peu à peu ensevelie sous les gravats. Selon Talla Guèye, membre du Collectif pour la défense de la bande de filaos de Guédiawaye, cette situation découle en grande partie des nombreux projets immobiliers en cours : « Les gravats issus des chantiers sont jetés directement sur le sable, créant un terrain propice aux eaux usées. Pire encore, certains riverains y déversent le contenu de leurs fosses septiques et des déchets domestiques. Résultat : le littoral est aujourd’hui dans un état déplorable. ». Un littoral transformé en décharge. À la plage de Diamalaye, quartier chic de Yoff, l’odeur pestilentielle des gravats imbibés de liquides usagés agresse les narines. Ici, eaux domestiques, urines et déchets divers se mêlent, créant une atmosphère suffocante. Le sol noirâtre, jonché de résidus plastiques, de canettes et de tessons de bouteilles, représente un danger pour les marcheurs et les baigneurs.. Babacar Diagne, dit Abou, militant pour la sauvegarde du foncier à Yoff, s’indigne : « À force d’accumuler des gravats, toutes sortes de déchets y sont déversés. Lors des marées hautes, cette pollution finit par se propager dans la mer. L’eau est aujourd’hui très polluée, et la situation ne cesse d’empirer. ». Un risque majeur d’érosion côtière. Loin d’être une solution, l’accumulation anarchique de gravats menace davantage le littoral. En modifiant la structure naturelle des plages et en empêchant le sable de se régénérer, ces amas favorisent l’érosion et accélèrent le recul du trait de côte.. Interpellée sur la question, Madeleine Diouf Sarr, directrice du Changement climatique, de la Transition écologique et des Financements verts au ministère de l’Environnement, assure qu’une mission sera prochainement déployée pour endiguer ce phénomène. « C’est une priorité pour les autorités », affirme-t-elle brièvement.. En attendant une intervention étatique concrète, le littoral dakarois continue de se détériorer, sous le poids des gravats et de l’indifférence. 

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *