Lors du dernier sommet de l’Union africaine à la date du 19 Février, 2025, les dirigeants du continent ont réaffirmé leur volonté de créer une Agence de Notation Panafricaine ( Pourquoi pas, ANA’S- RISK.) capable de rivaliser avec les géants internationaux que sont Moody’s, Fitch et Standard & Poor’s. Cette initiative, portée par une vision stratégique de souveraineté économique, vise à corriger ce que de nombreux experts et décideurs africains considèrent comme des biais systémiques dans les notations actuelles des risques pays. Mais au-delà de la critique des agences occidentales, cette proposition soulève des questions fondamentales : quels sont les enjeux d’une telle agence ? Une agence panafricaine peut-elle atteindre le même niveau de rigueur, de réputation et d’expertise que ses homologues internationales ? Et surtout, ne risque-t-elle pas d’être perçue comme juge et partie ?. Les biais des agences de notation occidentales : un plafond de verre pour l’Afrique. Les agences de notation internationales jouent un rôle central dans l’économie mondiale. Leurs évaluations influencent les décisions d’investissement, les conditions d’emprunt et la perception des risques associés aux pays. Cependant, leurs méthodologies et leurs critères d’évaluation sont souvent critiqués pour leur manque de transparence et leur partialité, en particulier lorsqu’il s’agit des économies africaines.. 1. Des méthodologies inadaptées aux réalités africaines :. Les agences de notation internationales utilisent des modèles standardisés qui ne tiennent pas toujours compte des spécificités des économies africaines. Par exemple, elles accordent une importance excessive à des indicateurs macroéconomiques tels que le ratio dette/PIB, tout en sous-estimant des facteurs comme le potentiel de croissance démographique, les ressources naturelles ou les réformes structurelles en cours. Cette approche unidimensionnelle conduit souvent à des notations sous-optimales qui ne reflètent pas la réalité économique des pays africains.. 2. Un biais systémique contre l’Afrique :. De nombreux experts africains dénoncent un biais systémique dans les notations attribuées aux pays du continent. Par exemple, un pays africain avec des indicateurs économiques similaires à ceux d’un pays européen se verra souvent attribuer une note inférieure. Ce biais est alimenté par des stéréotypes persistants sur les risques politiques, la gouvernance et la stabilité économique en Afrique, qui ne correspondent pas toujours à la réalité sur le terrain.. 3. *L’impact des notations sur le développement :*. Les notations sous-évaluées des agences internationales ont des conséquences directes sur le coût du crédit pour les pays africains. Des taux d’intérêt plus élevés limitent leur capacité à financer des projets d’infrastructure, à stimuler la croissance économique et à réduire la pauvreté. En créant une agence de notation panafricaine, les dirigeants du continent espèrent corriger ces distorsions et offrir une évaluation plus équilibrée des risques pays.. Les enjeux d’une agence de notation panafricaine. La création d’une agence de notation africaine représente une opportunité historique pour le continent de reprendre le contrôle de son récit économique. Cependant, cette initiative doit relever plusieurs défis pour gagner en crédibilité et en légitimité.. 1. Une évaluation plus juste des risques pays :. Une agence panafricaine pourrait développer des méthodologies adaptées aux réalités économiques, politiques et sociales du continent. Par exemple, elle pourrait accorder plus de poids à des indicateurs tels que la diversification économique, la stabilité politique à long terme, ou les réformes institutionnelles. Une telle approche permettrait de fournir une évaluation plus nuancée et plus précise des risques associés aux pays africains.. 2. Renforcer la souveraineté économique :. En réduisant la dépendance vis-à-vis des agences occidentales, une agence de notation panafricaine renforcerait la souveraineté économique de l’Afrique. Elle offrirait aux investisseurs une perspective alternative, basée sur une compréhension approfondie des dynamiques locales. Cela pourrait attirer davantage d’investissements étrangers et stimuler la croissance économique.. 3. Promouvoir une vision africaine du développement :*. Une agence de notation africaine pourrait également jouer un rôle clé dans la promotion d’une vision africaine du développement. En mettant en avant les succès et les potentialités du continent, elle contribuerait à changer la perception des risques associés à l’Afrique et à renforcer la confiance des investisseurs internationaux.. Rigueur, réputation et expertise : les clés de la crédibilité. Pour rivaliser avec les agences internationales, une agence de notation panafricaine devra atteindre un niveau de rigueur, de réputation et d’expertise comparable. Cela nécessitera des investissements importants dans les ressources humaines, les technologies et les processus d’évaluation.. 1. La rigueur méthodologique :. L’agence devra adopter des méthodologies transparentes et robustes, basées sur des données fiables et des analyses approfondies. Elle devra également se doter d’un cadre de gouvernance solide pour garantir l’indépendance et l’intégrité de ses évaluations.. 2. La réputation :. La crédibilité d’une agence de notation repose en grande partie sur sa réputation. Pour gagner la confiance des investisseurs et des marchés internationaux, l’agence panafricaine devra démontrer son impartialité et son professionnalisme. Cela passera par une communication transparente et une collaboration étroite avec les acteurs économiques et politiques.. 3. L’expertise :. L’agence devra attirer et retenir des experts de haut niveau, capables de rivaliser avec ceux des agences internationales. Cela nécessitera des investissements dans la formation et le développement des compétences, ainsi que des partenariats avec des institutions académiques et de recherche.. Le risque d’être juge et partie : un défi à surmonter. L’un des principaux défis pour une agence de notation panafricaine sera d’éviter d’être perçue comme juge et partie. Pour cela, elle devra garantir son indépendance vis-à-vis des gouvernements et des intérêts politiques.. 1. L’indépendance institutionnelle :. L’agence devra être structurée de manière à préserver son indépendance. Cela pourrait inclure la création d’un conseil d’administration indépendant, composé d’experts internationaux et africains, chargé de superviser les évaluations et de garantir leur impartialité.. 2. La transparence :. La transparence sera essentielle pour gagner la confiance des marchés. L’agence devra publier des rapports détaillés sur ses méthodologies, ses critères d’évaluation et ses processus de décision.. 3. La collaboration internationale :. Pour renforcer sa crédibilité, l’agence panafricaine devra collaborer avec les agences de notation internationales et les institutions financières mondiales. Cela lui permettra de bénéficier de leur expertise tout en affirmant sa spécificité africaine.. En conclusion : une opportunité historique pour l’Afrique. La création d’une agence de notation panafricaine représente une opportunité historique pour l’Afrique de reprendre le contrôle de son récit économique et de promouvoir une vision plus juste et plus équilibrée des risques pays. Si elle parvient à atteindre un niveau de rigueur, de réputation et d’expertise comparable à celui des agences internationales, cette initiative pourrait transformer la perception des risques associés à l’Afrique et stimuler la croissance économique du continent. Cependant, pour réussir, elle devra surmonter des défis majeurs, notamment en matière d’indépendance, de transparence et de crédibilité. En relevant ces défis, l’Afrique pourrait enfin avoir une voix forte et respectée dans le domaine des notations financières, au même titre que les géants internationaux.. Dr. Seydina Oumar Seye.
La pertinence d’une agence de notation africaine : Vers une réévaluation des risques pays dans une perspective africaine ( Ana’ s – Risk)
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