​Contribution : Pour une Administration Républicaine, Rationnelle et Souveraine ( Par Thierno Lo) 

  Quand j’ai été nommé ministre du Tourisme, l’une de mes premières décisions fut d’annoncer la tenue de journées nationales du tourisme, convaincu de la nécessité de diagnostiquer le secteur pour le relancer. À ma grande surprise, je découvris peu après, enfouies dans une armoire du ministère, les conclusions de précédentes journées nationales du tourisme soigneusement classées mais jamais mises en œuvre. Ce silence de mes collaborateurs et ce réflexe d’occultation de l’existant m’ont mis face à l’une des tares profondes de notre administration : la non-application chronique des décisions issues des concertations et consultations nationales.. Malheureusement, cette pathologie structurelle demeure intacte. Plus grave encore, elle s’est institutionnalisée : les séminaires, foras, assises, études et audits s’accumulent, mais l’administration reste figée dans ses pesanteurs. Des lois sont votées sans décrets d’application, des décrets sont signés sans arrêtés d’exécution, et les textes existants dorment dans les tiroirs pendant que le citoyen attend un service public efficient.. Ce mal endémique est aggravé aujourd’hui par une fonction publique pléthorique, souvent inefficace, fragmentée, centralisée, et budgétivore.. Le dernier audit des effectifs, commandité mais jamais appliqué, révélait déjà les chevauchements de fonctions, les doublons de postes, et la multiplication d’agents affectés à des tâches quasi identiques en particulier dans les administrations centrales. Le résultat est sans appel : un appareil administratif lourd, coûteux, incapable de se réformer de l’intérieur, et fortement concentré à Dakar.. Dans ce contexte, et à la lumière du Plan Horizon 2050, une remise à plat s’impose. Nous devons rationaliser l’architecture administrative, dégréer les structures superflues, régionaliser les fonctions, et surtout, repenser notre souveraineté administrative.. Propositions pour une refondation administrative. 1.Application effective des audits et diagnostics déjà réalisés.. Avant d’envisager de nouveaux forums ou études, mettons en œuvre ce qui a déjà été validé, parfois à l’unanimité.. Il faut créer une task-force permanente de suivi-évaluation des décisions publiques, rattachée à la Présidence ou au Haut Conseil de la Réforme Administrative, avec obligation de compte rendu public tous les semestres.. 2.Dégraissage responsable de la fonction publique.. Le pays ne peut plus supporter le poids d’un effectif sans productivité réelle. Il ne s’agit pas de jeter des agents à la rue, mais d’engager un redéploiement stratégique, avec des formations de reconversion, des départs volontaires encadrés, et la fin du recrutement par affinité ou recommandation.. 3.Recrutement sur concours + Formation obligatoire.. L’accès à la fonction publique doit se faire exclusivement par voie de concours. Il est temps de créer un Institut national de formation des agents de l’État et des collectivités locales, intégré à une ENA rénovée, ouverte aux nouveaux défis du numérique, du climat et de la gouvernance locale.. 4.Digitalisation effective et déconcentration fonctionnelle.. Il ne suffit pas de créer des portails administratifs. Il faut dématérialiser toute la chaîne des services de la DGFP et de la Direction de la Solde, avec des antennes régionales autonomes, notamment dans les capitales régionales. Cela réduira les délais, les frustrations des usagers, et la surcharge de Dakar.. 5.Refonte du Code de la Fonction publique.. L’administration du futur doit être éthique, responsable et protégée. Il faut renforcer l’article 12 du statut général, garantir la protection des agents contre les pressions politiques (y compris de leur propre hiérarchie), et inscrire cela dans un code de déontologie général et opposable.. 6. Charte de qualité et contrat de performance.. Chaque ministère, direction ou collectivité locale doit adopter une charte de qualité, avec des indicateurs clairs, mesurables, évalués annuellement. Cette démarche doit inclure la question de la rémunération, basée sur la performance et le mérite.. 7. Vers une Administration Souveraine et Équilibrée. Le défi de la souveraineté ne se pose pas qu’en matière de sécurité ou d’économie. Il se joue aussi dans la capacité de l’État à assurer des services publics fiables, décentralisés, proches des citoyens, dans toutes les régions du pays. À quoi bon parler d’équité territoriale si la quasi-totalité des démarches administratives oblige à venir à Dakar ?. La centralisation excessive est une forme de violence symbolique. Elle bloque l’accès à l’emploi, ralentit les investissements régionaux, et alimente le sentiment d’abandon des territoires. C’est pourquoi la mise en œuvre réelle de la charte de la déconcentration est un impératif républicain.. Conclusion :. Je reste convaincu que l’administration,peut redevenir le moteur du développement national, à condition d’en avoir le courage politique. Nous avons besoin d’une administration républicaine, sobre, professionnelle, et honnête. En cela, l’exemple du Premier ministre Lee Kuan Yew de Singapour reste éclairant : « Ce n’est pas de la démocratie dont les pays africains ont le plus besoin, mais d’une administration honnête.. Ministre Thierno Lo Président de l’Alliance pour la Paix et le Développement 

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