Le 12 juin, Pékin s’est dit prêt à discuter d’une suppression des droits de douane pour 53 pays africains. L’annonce a eu un fort retentissement sur le continent. La Chine importe d’Afrique principalement des matières premières, comme les minerais et le pétrole qui ont une faible valeur ajoutée. Une exemption complète des droits de douane ne devrait avoir qu’un impact marginal sur les économies africaines.. Certains n’y voient qu’une réponse politique aux droits de douanes décidés par Donald Trump. Les modalités des suppressions des droits de douane pour les 53 pays africains n’ont pas été précisées. Mais Benoit Chervalier, directeur de la Chaire business et industrie en Afrique à l’École supérieure des sciences économiques et commerciales (ESSEC) prévient : si les exemptions ne concernent que les matières brutes – ça n’aura que peu d’effet et ça n’incitera pas les pays africains à accélérer sur la transformation locale : « C’est une chose d’exonérer, par exemple, de la matière brute. C’en est une autre de savoir si le même type d’exemptions couvrirait des matières transformées en Afrique qui seraient exportées en Chine. Pour l’instant, on n’est pas du tout dans ce cas de figure », explique-t-il à Alexis Bedu, du service économie de RFI.. Sur les minerais et le pétrole, la Chine dispose de nombreux fournisseurs ailleurs qu’en Afrique. Elle devrait garder la main sur les quantités importées depuis l’Afrique.. Sur les produits agricoles, c’est encore la Chine qui tient les manettes, explique Thierry Pairault, chercheur et spécialiste de la présence chinoise en Afrique : « Les échanges agricoles ne sont pas du fait d’une activité promue par les pays africains et d’une activité organisée, par exemple, par la province du Hunan. Ça risque de profiter davantage à la province du Hunan, qui utilise ses échanges commerciaux avec l’Afrique pour renflouer ses finances locales, qu’aux producteurs africains. ». Acte politique. Les échanges des pays africains avec Pékin ne représentent que 3% du commerce chinois. Pour Thierry Pairault, il n’y a rien d’économique dans l’annonce faite par le gouvernement chinois : « Personnellement, je considère que c’est un acte politique. C’est un effet d’annonce, qui va, entre autres, à l’encontre des déclarations de Donald Trump. Et je pense que l’élément le plus important, c’est beaucoup plus dans cet affrontement entre la Chine et les États-Unis. Très objectivement,c’est sur une portion très minime que les choses peuvent jouer ».. Selon lui, « ça ne veut pas dire pour autant que ça va forcément favoriser les ventes de produits africains à destination de la Chine ». Et d’ajouter : « Que l’on regarde le cuivre, les matières premières plus rares ou le pétrole, la Chine s’est créée une palette de fournisseurs. Et parmi ces fournisseurs, les pays africains comptent très peu. Et dans la mesure où ces achats chinois de matières premières ne sont pas décidés par les pays africains, mais par la Chine, il est évident que les pays africains pourront très difficilement utiliser l’occasion qui semblerait s’offrir à eux. ». Pour Xavier Auregan, chercheur à l’université catholique de Lille, il s’agit surtout d’une annonce politique :. L’annonce faite par Pékin va être limitée en conséquences économiques et commerciales pour les pays africains. Certains pays, comme l’Afrique du Sud, le Kenya ou le Maroc, pourraient gagner quelques devises. Des pays relativement industrialisés, qui peuvent exporter des produits transformés vers Pékin.. Alexandra Brangeon. En Afrique du Sud, les spécialistes restent prudents. Le commerce entre l’Afrique du Sud et la Chine a explosé dans les années 2000, avec surtout des matières premières exportées par Pretoria qui affiche sa volonté de se rapprocher du marché chinois, d’autant plus avec le protectionnisme américain.. Mais après l’annonce de Pékin, certains acteurs économiques sud-africains, comme Kriben Reddy, spécialiste de l’économie automobile, restent très prudents. « Sur les matières premières pour les véhicules, on peut imaginer un développement des exportations. Mais en règle générale, on ne sait pas du tout ce que ça va donner. Est-ce que la demande des consommateurs chinois pour les produits sud-africains va augmenter par exemple ? Selon moi, on devrait plutôt trouver une synergie entre pays africains. Parce que l’Afrique dans son ensemble pourrait rivaliser avec n’importe quel autre continent », affirme Kriben Reddy, à notre correspondant à Johannesburg, Valentin Hugues.. C’est aussi l’avis de Ikarabele Legae, qui accompagne les exportateurs de fruits et légumes. Pour lui, cette décision est surtout dans l’intérêt de la Chine : « Ça fait partie de la guerre commerciale avec les États-Unis. Les États-Unis laissent un espace, la Chine le comble. Mais pour nous, ça ne va pas changer grand-chose. Parce que qu’on est plutôt dans une position d’importateurs de produits chinois que l’inverse. En Afrique du Sud, on a la chance d’exporter beaucoup de fruits vers la Chine, notamment des pommes, parce que très rares là-bas. Mais je crois que cette décision, c’est surtout pour négocier encore plus, et nous dire “les droits de douanes sont à 0, on peut donc envoyer encore plus de nos produits chez vous”. »
La suspension des droits de douane par la Chine peut-elle profiter aux pays africains?
