Monsieur le Président de la République, Refusez de vous déprendre de votre parti politique !. Monsieur le Président de la République,. Dans la riche histoire politique du continent africain et du monde, la force d’un président a toujours été l’ancrage solide à son parti politique. En effet, si nous apprenons avec Joseph LAPALOMBARA et Myron WEINER, dans leur ouvrage de science politique intitulé, Political Parties and Political Development (1966), que le parti politique est « une organisation durable, structurée à la fois au niveau national et local, qui a pour objectif explicite de rassembler des individus en vue de conquérir et d’exercer directement le pouvoir politique », c’est parce que ce phénomène partisan est bien différent des groupes de pression.. Ainsi, pouvons-nous remarquer, ci-après , les critères caractérisant le parti politique : la durabilité dans le temps (le parti politique doit perdurer au-delà de la carrière d’un seul dirigeant), la structuration organisationnelle sur différents échelons (chez nous, il s’agit des niveaux, communal, départemental voire régional et national), la volonté claire d’exercer le pouvoir ( et non seulement de l’influencer à l’instar des groupes de pression comme les syndicats, les centrales syndicales et les autres organisations), sans oublier la recherche active du soutien populaire pour maintenir sa légitimé et son influence politique.. Ce creuset où se forgent les alliances déterminantes et l’expression collective des aspirations populaires est quelque chose de très significatif dans la vie d’une nation et, par conséquent, doit être tenu en haute estime. Il faut alors éviter le piège de ceux qui ne souhaitent pas votre réussite à la tête de ce pays, parce qu’ils ne vous connaissent ni d’Adam ni d’Eve ; ils ne vous ont jamais côtoyé, ni cru en vous, un mois avant, votre accession à la magistrature suprême. Le parti qui a fait vos humanités politiques est plus que prêt à vous servir loyalement et à être votre rempart pour les missions et finalités assignées et connues de tous ; c’est cela la chance que vous avez : croyez moi, Monsieur le Président de la République !. Refuser de vous déprendre de votre parti, c’est d’abord honorer cette mémoire politique qui enseigne que la légitimité et la stabilité du pouvoir s’enracinent dans la fidélité à une organisation politique capable de mobiliser et de structurer, surtout, lorsque ce parti bénéficie de toutes les légitimités. Aujourd’hui, il vous revient de protéger votre ami, le leader politique et charismatique, pour tout ce qu’il a fait et représente, par la volonté divine et celle des militants et sympathisants. Personne ne devrait le fragiliser et je ne vous apprends rien. La jeunesse et le pays tout entier tiennent à votre complicité.. L’Afrique postcoloniale offre de nombreux exemples éclairants. Le parti politique au Sénégal sous Léopold Sédar Senghor illustre comment un président peut asseoir sa gouvernance et sa légitimité dans un projet politique clairement pensé et porté par un parti soucieux de fédérer au-delà des clivages identitaires de toutes sortes. Ce lien étroit entre le président et son parti a permis, pendant plusieurs décennies, au Sénégal, en Côte d’ivoire aussi, sous le vieux patriarche. de Yamoussoukro, un équilibre institutionnel favorable à la construction d’un État stable, démocratique, durable et supra générationnel.. Au Ghana, Kwame Nkrumah a bâti son pouvoir en s’appuyant sur le Convention People’s Party, instrument vital d’unification des forces anticoloniales et moteur de modernisation du pays. Malheureusement, l’éloignement progressif du parti puis la dissolution de ce dernier ont contribué à fragiliser son autorité et à précipiter sa chute. Ce cas est un rappel puissant et évocateur qu’un président coupé de sa base politique perd sa capacité à maintenir un soutien populaire désintéressé qui lui était pourtant favorable et acquis. En vérité, un parti politique a besoin de ses fondateurs, ses inspirateurs, en un mot, de ceux-là qui lui ont donné un élan vital. Se retirer de son parti, au Sénégal, est non seulement non exigé par la Constitution, mais signifie, dès un premier mandat, un acte politiquement peu avisé.. De même, dans d’autres contrées, comme en Tanzanie avec Julius Nyerere et l’Unité africaine tanzanienne (Tanganyika African National Union), la fusion entre le leadership du président et le parti politique a été un facteur essentiel du rayonnement de la politique d’unité nationale et de développement dans le pays. Nyerere a su faire de son parti un vecteur d’intégration sociale, transcendant la diversité ethnique, et un garant d’un projet politique solide porté collectivement.. A ce titre, l’isolement du pouvoir présidentiel hors des cadres partisans (les partis politiques) a fréquemment fragilisé la gouvernance, accentué les tensions sociales et déstabilisé les institutions. L’histoire politique africaine et celle dans le monde témoignent que le parti est souvent le lieu où se jouent les compromis, se dosent les forces, et se préservent les équilibres nécessaires à la paix sociale. Car, l’ignorer, c’est véritablement oublier la fonction principielle de formation des citoyens dévolue aussi aux partis politiques.. Un président n’a-t-il pas dans le même temps besoin de populations politiquement bien formées pour des choix éclairés, avisés et rationnellement opérés ? Qui fera alors ce travail à sa place ? La délégation des rôles doit-elle en arriver là ? Monsieur le Président, un retrait symbolique est compréhensible, mais jamais un abandon manifeste sous quelque raison que cela puisse être. Je n’y crois pas, parce que, les dividendes politiques ne vous seront nullement profitables.. Par conséquent, Monsieur le Président, le gain politique qui convient le mieux est de cultiver et entretenir ce lien originel et structurant avec votre parti. Celui-ci demeure non seulement le fondement de votre autorité, mais aussi le cadre propice pour cristalliser davantage les attentes et garantir la continuité d’un projet politique longtemps rêvé et à même de répondre aux défis de notre pays et des enjeux du moment.. Dès lors, ma conviction est que, loin d’être une contrainte, votre fidélité à votre parti est la condition sine qua non d’un exercice efficace, facile et légitime du pouvoir. C’est dans cette loyauté que vous puiserez avec assurance la force d’affronter les vicissitudes du pouvoir, de sortir de l’abîme si profond où l’Etat du Sénégal a longtemps été fossilisé et, de déjouer, enfin, les rets que poseront toujours les loups aux belles dents pour qui l’être et le paraitre du pouvoir sont à égaliser. On le sait, l’intérêt général, la nation unie, stable, souveraine à tous points de vue et prospère économiquement, n’ont jamais été leur préoccupation.. Monsieur le Président, votre parti vous attend et il a ardemment besoin que vous soyez le premier rempart de celui qui en assume la présidence. C’est cela notre salut à tous !. Henry SENGHOR, Du Voisin A l’Administré !. [email protected]
Lettre ouverte au président Bassirou Diomaye: ( Par Henry Senghor Diatta )