La tension monte autour du dossier dit de la « dette cachée » impliquant l’ancien président sénégalais Macky Sall. Deux ténors du barreau français, Me Pierre-Olivier Sur et Me Juan Branco, s’affrontent désormais à coups de déclarations publiques et de piques médiatiques, transformant ce dossier à forte portée politique en un duel d’ego et de stratégies.. Avocat au barreau de Paris depuis 1985, Me Pierre-Olivier Sur n’en est pas à son premier dossier sénégalais. Connu pour avoir défendu Karim Wade et Mbaye Niang, l’avocat français connaît bien les arcanes du système judiciaire du pays. Son arrivée à Dakar a été annoncée en grande pompe : il devait venir assurer la défense de Macky Sall dans l’affaire dite de la dette cachée, une procédure encore à ses débuts, mais déjà explosive.. Lors de sa conférence de presse, l’avocat n’a pas mâché ses mots. Il a tenu à rappeler que, selon lui, le débat est faussé par des erreurs d’interprétation. « Nous sommes tous des légalistes. Je vais me permettre de vous dire que le vrai sujet, c’est celui des rapports cachés », a-t-il déclaré devant un parterre de journalistes.. Il a notamment cité trois documents jugés déterminants, en particulier le rapport de l’Inspection générale des Finances (IGF) : « Ce rapport est le premier à allumer le feu aux poudres, celui qui a fait parler de dette cachée. Ce rapport est même caché. » Pour Me Sur, l’affaire serait davantage une question d’erreurs d’analyse qu’un scandale de corruption. « Ce n’est pas un problème de dettes cachées, mais de mauvaises lunettes de lecture », a-t-il tranché, minimisant la portée des accusations.. Mais son ton, jugé condescendant et provocateur par certains observateurs, n’a pas tardé à susciter des réactions, à commencer par celle de Juan Branco, son jeune confrère aussi redouté que médiatisé.. Juan Branco réplique depuis Paris. Installé à Paris, Juan Branco, avocat des victimes de la répression de 2021-2024 au Sénégal, n’a pas fait le déplacement à Dakar. Mais cela ne l’a pas empêché d’intervenir, à sa manière, dans le débat. Depuis la capitale française, il a réagi publiquement aux propos de son compatriote, s’attaquant frontalement à Me Sur et à la défense de l’ancien président.. « L’avocat qui organise une conférence de presse pour défendre l’innocence d’un client qui n’a pas encore été mis en cause rend un immense service à la lutte contre l’impunité »,écrit-il, dans une déclaration au ton acerbe. Branco, fidèle à son style incisif, questionne ensuite la sincérité de la démarche : « Celui qui le fait pour s’indigner que des pièces ne lui soient communiquées, alors qu’aucun dossier n’a été à ce stade ouvert, interroge. » Dans une sortie plus virulente, il tourne en dérision la rhétorique des “rapports cachés” évoqués par Me Sur :. « Celui qui le fait pour se plaindre de ce qu’il existerait des “rapports cachés”, en un pays où soixante personnes sont mortes et des milliers ont été brisées au motif d’un réel rapport caché par celui qu’il est censé défendre, rend vivante la maxime de Marx, selon laquelle la tragédie devient farce lorsqu’elle se voit répétée. » Et de conclure par une attaque directe contre Macky Sall : « Si Monsieur Macky Sall souhaite se défendre d’accusations qui n’ont pas encore été formulées, qu’il ait le courage de le faire lui-même, et en ses terres. ». Une rivalité ancienne entre deux figures du barreau. Ce n’est pas la première fois que les deux avocats s’affrontent par presse interposée.. Lors du procès Mame Mbaye Niang – Ousmane Sonko, ils s’étaient déjà opposés. Me Sur, attaché à la tradition judiciaire classique, avait préféré le silence des prétoires. Me Branco, lui, avait choisi les réseaux sociaux et les tribunes publiques, exploitant les failles médiatiques pour toucher l’opinion.. Le clash entre les deux hommes illustre deux générations et deux visions du métier d’avocat : d’un côté, Pierre-Olivier Sur, avocat chevronné, institutionnel, rompu aux négociations politiques et aux tribunaux diplomatiques ; de l’autre, Juan Branco, figure montante, connectée, militante, et prête à utiliser la communication numérique comme une arme de défense autant que d’attaque.. Entre stratégie et communication. Si Me Sur joue la carte de la défense technique et institutionnelle, Me Branco, lui, parle à la jeunesse sénégalaise et au camp du changement incarné par le régime actuel de PASTEF. Les deux hommes savent que le procès Macky Sall dépassera le cadre judiciaire : il sera aussi un combat symbolique entre l’ancien pouvoir et la nouvelle génération. Entre le verbe posé du vétéran et la plume acérée du jeune tribun, le duel Sur–Branco s’annonce comme un feuilleton politico-judiciaire à suivre, à la croisée du droit, de la communication et du pouvoir.
Duel au sommet : Pierre-Olivier Sur et Juan Branco s’affrontent autour de la “dette cachée” de Macky Sall